mardi 5 juin 2012

VERBATIM - BIENNALE DE NANCY 2012


Bonjour Mr Gomme,
 ....... Il faut que je vous dise que vos photos me travaillent. 
Lorsque je les ai vues pour la première fois, elles m'ont mises mal à l'aise, j'ai eu comme une impression de rejet, cette impression, je l'ai entendue chez de nombreuses autres personnes qui passaient devant les clichés. Je suis restée postée là, à tendre l'oreille de façon à écouter et à vérifier si ce sentiment était partagé et la réponse était oui. 

Je me suis posée la question de savoir pourquoi j'avais ce sentiment, finalement pourquoi vos photos m'interpellaient, me choquaient d'une certaine façon. En fait, j'ai essayé de comprendre votre démarche, de savoir si le but de cette démarche était d'interpeller, comme je pouvais le ressentir.

Ce n'est pourtant pas la nudité qui me met mal à l'aise (je fais de la photo aussi donc si le galbe d'un sein me met mal à l'aise, autant que j'aille pêcher ou faire du scoubidou, enfin, c'est mon avis !!). Et bien maintenant, je pense être en mesure de vous dire ce qui m'a "choqué" : c'est la caractère ordinaire de ces corps de femmes, ce contraste entre le dénuement de ces corps diaphanes, non mis en valeur par un quelconque accessoire, posture, lumière et le travail de ce décor un peu baroque, coloré avec beaucoup de texture. Pourtant ces corps, ce sont les nôtres, ce sont ceux des femmes qui ont elles aussi défilé devant ces photos, ce sont des corps qui ont une histoire, qui ont enfantés, qui ont été oppérés etc...

il faut se rendre à la réalité des choses, nous ne sommes pas des modèles d'Helmut Newton en puissance !! Attention, par là, je ne veux pas dire pour autant que l'on n'aime pas son corps mais justement parce qu'on le voit avec les yeux qui sont les nôtres, ceux qui donnent une plus value, on ne peut pas reconnaître ces corps "imparfaits" (imparfaits dans le sens vs ceux d'Helmut Newton par ex) comme les nôtres, ou s'apparentant aux nôtres. 

Matthieu Rousseau qui exposait lui aussi, a eu le premier prix avec des photos prises sur des corps de danseurs et de danseuse en mouvement (qui sont très belles par ailleurs, la question n'est pas là) ; ces corps sont parfaits (dans le sens de l'esthétique de podium) je pense que cela en dit long sur les attentes des gens. Cela m'a renvoyé à une discussion que j'avais avec un prof de peinture qui me disait que l'on finit toujours par trouver beau ce que l'on voit souvent. On voit du top model à longueur d'affiche de pub, à la tv, dans la rue.... c'est un dictact du beau, du lisse, du gendre parfait, ça fait rêver, fantasmer et pourtant on n'épouse pas Claudia Shiffer ou Brad Pitt....

En fait ce qui m'a vraiment donné à réfléchir c'est que je sois moi aussi tombée dans le panneau du tout beau tout lisse. Quand je fais des portraits ou que je regarde passer les gens dans la rue, je travaille mon oeil pour aller chercher cette beauté, ce trait de visage, ce bourrelet qui dépasse ou cette ride que les gens ne voient pas. J'aime le caractère ordinaire des corps et des visages et là j'en avais une série devant moi et je ne l'ai pas vu !!! Contraste trop important ? Evidence trop flagrante ? C'est quand même le comble !!

C'est en ayant à l'esprit cette réflexion que je suis retournée pour une seconde visite à la biennale. Inutile de vous dire que mon oeil a vu bcp plus de choses qu'à la première visite. Chacun  des corps de ces femmes avait son charme, sa beauté, son érotisme. Je me suis aussi demandée si les hommes regardait ces photos de la même façon que les femmes. Notamment, la photo de la seule femme qui découvre son pubis. Intriguante celle-là. Moi je me suis davantage focalisée sur la cicatrice que sur le pubis. 

Enfin, tout ça pour vous dire que grâce à vous, j'ai pu réfléchir à de nouvelles perspectives photographiques. De toutes les photos que j'ai pu voir à la biennale, les vôtres sont celles que je préfère, celles qui me restent en tête et qui m'accompagnent quand je suis dans mes heures d'observation à l'arrêt d'un bus, en terrasse ou dans un café. Qule contraste, quelle sensibilité, quel amour du corps !! Je vais dès à présent garder un oeil rivé sur vos parutions, je pense que j'ai beaucoup à apprendre de votre travail !

Encore merci !!!

Aileen B. - 32 ans - Nancy

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